Témoignages et Reportages
Pierre-Olivier Zappa, Journal de Montréal, 6 juin 2022
Pour moi, la pêche, c’est un prétexte. Une excuse pratique pour connecter avec la nature, passer du bon temps entre amis, ou siroter une bière en me disant qu’il est bien midi quelque part.
Cette semaine, j’ai taquiné la truite avec le seul et unique Réal Massé, le moustachu propriétaire de la pourvoirie qui porte son nom depuis 1986. Cette partie de pêche était aussi un prétexte pour parler de pénurie de main-d’œuvre en région.
À 81 ans, Réal déborde d’énergie, et c’est tant mieux, parce que malgré d’excellentes conditions de travail, les employés ne se bousculent pas à sa porte.
« Je travaille en ce moment entre 110 et 115 heures par semaine. Du matin au soir, sept jours sur sept », m’a-t-il confié.
Et s’il travaille autant, c’est parce qu’il est passionné… et qu’il ne trouve pas suffisamment de « Les employés sont logés, nourris et habillés. Personne ne gagne moins de 1200 $ par semaine. Tout est fourni ! »
Déficit démographique
Et pourtant, M. Massé peine à recruter des employés. Il en a 34 en ce moment, et ils triment dur. Lui-même s’occupe des chemins, du service à la clientèle et de l’entretien de ses bateaux.
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« La main-d’œuvre, c’est incroyable, il n’y en a pratiquement pas ! »
À Saint-Zénon, dans Lanaudière, 16 lacs et 20 km carrés de nature, la pourvoirie Au pays de Réal Massé accueille des milliers de clients chaque été. Ce qui inquiète le propriétaire, ce n’est pas l’avenir de son petit paradis, c’est l’avenir du Québec et de son déficit démographique.
« Je vais dire ce que je pense vraiment, même si ce n’est pas politiquement correct. Il y a plus de personnes vieillissantes que de naissances. Ça prend des enfants, s’est-il exclamé. Demain matin, si j’étais premier ministre, j’offrirais 1000 $ par mois par enfant jusqu’à concurrence de quatre enfants. Ça prend de la relève. »
Le constat alarmant que dresse Réal Massé est partagé par de nombreux démographes partout dans le monde, et on commence de plus en plus à en parler. On se dirige vers un monde dépeuplé.
Vieillissement
D’ici 2050, 151 des 195 pays de la planète se trouveront en situation de décroissance démographique. Cela veut dire moins d’enfants, donc moins d’employés et plus de personnes âgées.
Le vieillissement des populations, déjà notable en Occident et en Asie, va aggraver le problème de pénurie de main-d’œuvre. Il faudra nécessairement trouver de nouveaux moteurs de croissance pour remplacer la démographie.
Cette dépopulation va peut-être permettre de remédier à certains problèmes, qu’ils soient écologiques ou sociaux. Mais ne vous voilez pas la face. Le modèle actuel est en péril. Pensez aux systèmes de retraite, à l’assurance maladie ou encore à la protection sociale. Moins de travailleurs égale moins de contributeurs. C’est la plus simple des logiques.
Le défi du prochain siècle
Le Québec est vieillissant, tout comme une bonne partie du monde. Sommes-nous assez riches pour financer cette réalité ? Dans sa forêt de Saint-Zénon, Réal Massé en doute.
« Ça prend de la relève ! » m’a-t-il répété sur son ponton, entre deux belles prises de truite arc-en-ciel. Des bébés et une immigration savamment planifiée, c’est probablement la seule porte de sortie de plusieurs sociétés âgées.
Un monde dépeuplé, c’est le défi du prochain siècle, et l’avenir appartient aux pays qui vont se restructurer avant qu’il ne soit trop tard.
Bilan de ma journée de pêche : un reportage dont je suis fier, six belles truites et toute une réflexion sur la bombe démographique qui nous pend au nez. Parce qu’entre amis, dans un bateau, la pêche, c’est un beau prétexte pour jaser. Loin de la ville et des ondes cellulaires, quel bel environnement pour réfléchir… et refaire le monde.
Julien Cabana, Journal de Québec, mercredi 25 août 2021
À l’instar de tous les autres pourvoyeurs, Réal Massé a eu à naviguer au travers des restrictions mises en place durant la pandémie. Si, au début, sa saison battait de l’aile, aujourd’hui, il considère qu’il a vécu une autre excellente saison.
« Au départ, en raison des mesures sanitaires, ce n’était pas très bon parce que je n’avais pas le droit d’avoir des gens de deux adresses différentes dans le même chalet. Nous avions un taux d’occupation d’à peine 50 %, d’expliquer le vieux routier de la pourvoirie. Nous avons été pris de cette façon durant tout le mois de mai et les deux premières semaines de juin. Depuis ce temps, nous sommes complets mur à mur. Ça va excessivement bien. »
Un des secrets du succès de ce pourvoyeur, c’est sa clientèle de pêcheurs qui demeure fidèle, peu importe les circonstances.
« Ma clientèle est excessivement fidèle. Je ne voudrais pas la changer demain matin. À l’heure actuelle, 94 % des amateurs présents sont en couple et 62 % ont 60 ans et plus. Ce que j’entends comme commentaires, c’est que la qualité de mes installations fait toute la différence. Nous avons sur le site 50 petites voiturettes de golf pour que les gens voyagent d’un lac à l’autre. Personne n’a à marcher pour atteindre les lacs de pêche. »
Il a aussi eu la brillante idée d’adapter son offre de pêche aux besoins de sa clientèle.
« Sur tous mes lacs, j’ai installé des quais de 200 à 300 pieds qui avancent sur l’eau, permettant aux gens qui ne veulent pas ou ne peuvent pas pêcher en embarcation de pouvoir pêcher directement du quai. Il faut bien comprendre que je ne mets pas de pression de pêche indue sur mes lacs. Il n’y a jamais plus de personnes sur un plan d’eau qu’il y a de chaloupes disponibles. Il n’est pas question de remplir le quai et les chaloupes en même temps. Tout est bien divisé et contrôlé sur chacun de nos lacs. »
La pourvoirie compte 16 lacs répartis sur 20 kilomètres carrés. L’équipe de Réal est composée de 34 personnes qui travaillent sans relâche. Il mentionne d’ailleurs que sans leur contribution, jamais un tel succès ne serait au rendez-vous.
DÉFAIRE UN MYTHE
Bien des gens du milieu prétendent que le succès de la pourvoirie Au pays de Réal Massé, vient du fait que ce pourvoyeur a accès au bassin de pêcheurs de Montréal.
« Il faudrait que les gens se ravisent parce qu’en consultant mes livres, on peut voir que 44,8 % de ma clientèle de pêcheurs provient de l’indicatif régional 418, soit Québec, La Beauce et le Lac-Saint-Jean, d’expliquer Réal. Viennent ensuite dans l’ordre, des gens qui habitent dans la zone du 450, du 819 et finalement du 514, qui représentent seulement 2 %. Voilà le portrait réel de la clientèle de pêcheurs qui nous visitent. »
Il est plutôt fier d’entendre les gens lui dire qu’il est le Château Frontenac de la pourvoirie.
« Au début, je sursautais en entendant cette remarque, mais maintenant, après toutes ces années, j’en suis fier. »
Chaque saison, cette pourvoirie voit défiler entre 14 000 et 15 000 personnes. Il faut dire ici que malgré le fait qu’il y a toujours un minimum de 150 à 170 personnes en même temps sur le site, rien n’y paraît pas. La machine est très bien rodée. À la tête, on retrouve Réal qui, chaque matin et chaque midi, est au poste pour la distribution des lacs. Il rencontre ses pêcheurs, leur prodigue des conseils et des suggestions pour les aider à connaître du succès.
ET LA PÊCHE
Maintenant, pour la pêche, comment ça fonctionne ?
« Nous offrons de la pêche de la truite mouchetée, de la truite arc-en-ciel et, dans le lac devant l’auberge, de la truite grise, d’expliquer le pourvoyeur. Tous les amateurs qui sont trois jours et plus chez nous peuvent visiter nos lacs à grosses truites où ils peuvent capturer quatre spécimens de belle taille. Ils ont aussi la possibilité de déjouer les grosses truites arc-en-ciel sur le lac principal. Ils peuvent ensuite compléter leur pêche sur l’un des autres lacs de la pourvoirie où il y a des spécimens de 9 à 12 pouces. »
Pour réussir votre pêche, rien de plus facile. Les leurres conventionnels comme la Lake Clear or et argent ou la Toronto Wobbler de couleur argent avec un bas de ligne de 24 pouces et des vers de terre, pourront faire l’affaire. Les amateurs de pêche à la mouche auront du succès avec la Muddler Minnow ou la mouche Miracle orange ou A-13.
Il convient de souligner que Réal Massé a développé une approche très particulière au fil des ans, ce qui lui a valu en grande partie, son succès qui perdure.
« Les amateurs de pêche rêvent tous de capturer de belles grosses mouchetées. J’ai eu la chance de me rendre pêcher dans le nord québécois pour capturer de tels spécimens, mais ce n’est pas le cas de tous les pêcheurs. Certains n’auront probablement jamais la chance de s’y rendre. Alors, j’ai décidé d’apporter le nord au sud, en organisant ma pêche de façon que sur certains lacs, les grosses mouchetées soient au rendez-vous. »
Cette formule fait le bonheur des pêcheurs qui fréquentent cette pourvoirie.
Vous pouvez y pratiquer la pêche jusqu’au 1er octobre à la pourvoirie.
La chasse aux faisans est aussi offerte sur la pourvoirie en septembre et octobre.
En terminant, il ne faut surtout pas oublier de souligner l’excellence des repas servis à la pourvoirie, de quoi faire rougir plusieurs restaurants des grandes villes du Québec.
Golf, pêche et mariage en pleine forêt
Réal Massé pose fièrement devant son nouveau golf aménagé avec audace en forêt. Un rêve fou devenu réalité.
Lors d’une partie de pêche à la pourvoirie Au pays de Réal Massé, à Saint-Zénon, j’ai eu l’occasion de fouler le nouveau golf, probablement le seul au Québec aménagé au cœur de la forêt.
J’ai beau ne pas connaître grand-chose à ce sport, j’ai tout de même été impressionné par la qualité des verts, si impeccables que je les ai touchés pour m’assurer que ce n’était pas du gazon synthétique.
Un 9 trous étonnant
Dessiné par Réal Massé, le parcours à normale 3 a de quoi étonner avec ses ondulations marquées, créant une illusion d’optique mettant au défi même les golfeurs chevronnés.
Pour chacun des trous, on a le choix de cinq distances pour le coup de départ, ce qui permet aux golfeurs de s’ajuster selon leur niveau de jeu.
5 truites et un lampion
Gaby et l’une des cinq grosses truites mouchetées de notre pêche miraculeuse d’à peine deux heures trente.
Au cours de notre séjour, ma compagne, son fils Gaby et moi avons vécu une drôle d’histoire de pêche au lac à la Loutre. Nous sommes partis si tard après le dîner qu’il nous restait à peine deux heures et demie pour prendre notre quota de cinq grosses truites mouchetées. Ma compagne, qui est d’origine haïtienne, m’a lancé avec optimisme et humour : « Même s’il ne reste pas beaucoup de temps, Dieu va nous accrocher cinq truites à l’hameçon. » Comme de fait, cinq minutes avant la fermeture du lac à la pêche, nous prenions notre cinquième truite… Le lendemain, histoire de réagir aux propos de ma compagne, je me suis rendu à la petite chapelle de la pourvoirie pour allumer un lampion à 5 $…
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S’unir à la chapelle
Zita Villeneuve et Guy Leclerc, lors de leur mariage à la petite chapelle, en présence de leur famille.
Avant notre départ, nous avons assisté à un mariage intime. Zita Villeneuve et Guy Leclerc, qui en étaient à leur troisième séjour de pêche à la pourvoirie, sont partis de Saint-Sauveur pour unir leur destinée, en présence de leur famille. Comme destination pour un mariage, c’est inusité et charmant.
Réputée pour la pêche à la truite, la pourvoirie Au pays de Réal Massé, à Saint-Zénon dans Lanaudière, est aussi un lieu fort agréable pour un séjour en famille. L’accueil est attentionné et les repas sont copieux. Et puis, comme tout le monde prend du poisson, tout le monde est content.
J’y suis allé l’été dernier avec ma compagne et son fils Gaby, 11 ans, qui, comme tous les préados et ados, est très porté sur les écrans. À peine étions-nous arrivés que le garçon n’y pensait plus, fasciné par un crapaud sautillant près du chemin ou par des sauterelles qu’il s’amusait à capturer.
Je me suis reconnu à son âge, à une époque où nous passions beaucoup plus de temps à jouer dehors, dans la nature.
Le premier matin de notre séjour, nous sommes allés à la pêche au lac Paul. Carte du territoire en mains, on se rend aux lacs en voiturette de golf sur une route forestière.
Une fois arrivés, nous décidons de tenter d’abord notre chance sur le quai, en lançant une cuiller argentée suivie d’un long bas de ligne. Comme appât, Gaby avait une mouche argentée trempée dans un gel odorant de la Ferme Monette et sa mère, des vers.
Presque à chaque lancer, ça mordait. La joie de Gaby était contagieuse, ce qui a donné lieu à des moments magiques.
Tout fier de lui, Gaby a pris presque toutes les truites à lui seul.
Nous avons aussi fait un tour de pédalo et joué au mini-golf. Nous nous sommes également recueillis quelques instants à la petite chapelle, érigée par Réal Massé.
Cette ferveur semble partagée par certains aînés qui avaient exprimé la volonté d’y reposer pour l’éternité, comme en font foi des urnes sous l’inscription «Au paradis de Réal Massé». Ça en dit long sur l’attachement aux lieux de ces habitués qui y ont vécu de bons moments.
On n’y va pas seulement pour la pêche au printemps, mais pour un séjour en été.
Celui que je baptise souvent le père de la pourvoirie moderne n’avait qu’un seul but en tête, soit de prendre le devant du peloton.
Réal Massé rend toujours ses pêcheurs heureux, comme on peut le voir ici avec Johanne Hamel et Daniel Beaudoin de Saint-Julien.
Le 2 mai 1986, il se portait acquéreur du Club Chasse et Pêche Léonard Bellerose. Le 17 janvier suivant, la pourvoirie était complètement détruite par un incendie. Blessé dans l’incendie, Réal a travaillé jour et nuit avec son équipe pour arriver à construire les installations qui allaient leur permettre d’accueillir des pêcheurs le 1er mai. Depuis ce temps, il n’a fait qu’apporter des améliorations à ses installations.
Fixer de nouvelles normes
Lorsqu’il est arrivé dans le milieu, Réal a fait connaître ses couleurs en décidant d’offrir une gamme de produits qui n’existaient pas à ce moment-là dans l’industrie de la pourvoirie.
Il offrait des chalets avec douche et toilette intérieures et des équipements de premier choix, pour vivre le plan européen. Dans son auberge, il offrait un confort digne de plusieurs grands hôtels, le tout en pleine forêt.
« Ce n’est pas parce que nous sommes à la pêche ou à la chasse, qu’il faut vivre dans de mauvaises conditions. Pour moi, offrir de telles installations se voulait une façon de gâter les amateurs, tout en leur offrant une pêche de qualité. Par la suite, plusieurs pourvoiries ont emboîté le pas. Mon personnel était habillé de la même façon. Si une personne a besoin de renseignements, elle peut savoir immédiatement à qui s’adresser. »
Si on ajoute le transport offert sur le territoire, le service exemplaire à l’accueil, le transport des bagages, le service d’éviscération et d’emballage des prises, pas étonnant que la pourvoirie Au Pays de Réal Massé soit devenue la référence et la plus importante au Québec.
La Pêche
À ce chapitre, Réal n’a rien ménagé pour que les amateurs repartent comblés.
« C’est une pêche semblable à celle offerte dans le Grand Nord, à deux pas de la ville, ajoute Réal. Les gens peuvent capturer des truites mouchetées de deux livres et plus dans le lac La Loutre, par exemple. Ils peuvent aussi pêcher la truite arc-en-ciel, la truite grise et la truite brune dans le lac Claire, devant l’Auberge, des spécimens qui dépassent deux livres et demie. Je veux donner aux gens ce qu’ils recherchent. »
Lors de notre passage, les prises étaient au rendez-vous pour tous les pêcheurs réunis sur place.
Chose certaine, un séjour là-bas vous permettra de comprendre ce qu’est vraiment le Pays de Réal Massé.
Michel Beaudry, Journal de Montréal
Tenez-vous bien, cette histoire est vraie et elle a été indubitablement vécue le 10 juin 2016 et en plein bois. Assis à l’accueil des clients de sa pourvoirie, Réal Massé a levé les yeux deux fois lorsque le pêcheur devant lui a dévoilé tout bonnement son identité :
Samuel de Champlain.
Sa carte du ministère et sa carte de crédit confirment que l’homme, un entrepreneur de Sainte-Lucie (dans les Laurentides) ne blague pas.
Presque simultanément arrive un autre pêcheur à l’enregistrement. Lorsqu’il dira son nom, ça ne peut être qu’un petit coup monté et la moustache de Réal est presque devenue droite.
Le gars s’appelle:
Jacques Cartier de L’Île-Perrot.
Croyez-le ou non, il s’agit d’une pure coïncidence.
Les deux hommes ne se connaissaient pas. Réal et sa femme Ginette sont estomaqués. Réal veut les photographier même si le cliché ne rendra jamais l’inusité, l’insolite de cet instant. Mais attention, ce n’est pas tout.
Et de 3
Toujours dans le même laps de temps, alors que Ginette complète l’enregistrement des deux hommes, Réal répond au téléphone. Une cliente veut réserver.
Il s’agit de madame Riel d’Otterburn Park qui demande que la réservation soit au nom de son mari.
Réal ne peut s’empêcher de lui demander : « Pas Louis, toujours ? » Eh bien oui.
C’était madame Louis Riel.
Samuel de Champlain et Jacques Cartier sont toujours devant Réal qui est assommé, abasourdi.
Réal a passé le combiné aux deux hommes devant lui et leur a dit : « Parlez-vous, c’est trop drôle… » Tous sont devenus des clients réguliers qu’on n’oubliera jamais.